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Un regard sur Starobinski

Jean_Starobinski

À l’occasion du centenaire de la naissance de Jean Starobinski, la Bibliothèque de Genève a organisé une exposition numérique sur l’ensemble de l’œuvre de ce critique littéraire et médecin genevois. Cette figure littéraire est notamment connue pour avoir édité des travaux de critique qui ont fait date dans l’histoire de la littérature. On peut citer, entre autres, son essai sur la mélancolie. De plus, Jean Starobinski est un médecin psychiatre qui a été un interne de l’hôpital de Genève. Cette exposition a été créée en version numérique pour répondre aux enjeux imposés par la pandémie de Covid-19.

 

Cet article s’attachera plus spécifiquement à l’approche de la littérature et de sa mise en valeur par l’exposition proposée sur Starobinski qui s’est tenue le 26 novembre 2020, en présentiel et en distanciel. En 2021, l’exposition Jean Starobinski connaît une seconde version qui s’est tenue le 10 novembre 2021 à la Maison Littérature Rousseau Grand Rue 40 à Genève, mais elle est toujours visible en ligne. Elle inclut une nouvelle dimension sensorielle.

 

La genèse de cette exposition

Cette exposition hybride permet dès lors un accès sans pareil aux archives de l’auteur. La problématique qui a prévalu dans l’exposition est de faire découvrir l’œuvre de Jean Starobinski et s’adapter au contexte numérique. L’exposition interactive sur Jean Starobinski combine un processus de visite guidée intuitive qui permet de voir la genèse de l’œuvre de l’écrivain, avec la correspondance et les brouillons de ses œuvres littéraires. Quand nous regardons cette exposition, nous nous rendons compte de l’invalidité de la distinction entre les disciplines, car Jean Starobinski tente de concilier une réflexion sur la médecine et les arts, plus spécifiquement dans son cas : la littérature.

Cette exposition a été pensée en 2018 par les archives suisses et l’EPFL, un centre de design de l’Université de Lausanne. Elle a été faite de façon numérique du fait des conditions sanitaires imposées par l’épidémie de la Covid-19 dans le monde. Cette exposition favorise pour les archives littéraires suisses une meilleure connaissance de l’œuvre de Jean Starobinski. L’objectif était double : associer un sujet littéraire avec les nouvelles technologies, et de ce fait explorer comment celles-ci peuvent impacter la transmission du patrimoine littéraire, et faire découvrir et permettre l’accès aux archives de Jean Starobinski aux spécialistes de son œuvre ainsi qu’au grand public.

Ce projet a été multidisciplinaire : designers, architectes, spécialistes du numérique, psychologues et informaticiens ont collaboré afin de rendre cette exposition plus interactive et permettre au visiteur de bénéficier d’une expérience égale à celle d’une exposition en présentiel.

Jean Starobinski était éclectique dans sa façon d’approcher le monde, car sa pensée touchait la littérature et la médecine. Parmi les ouvrages que nous pouvons citer de lui, il y a bien sûr La Relation critique, un ouvrage phare de son œuvre. Les Archives Littéraires Suisses ont ouvert le Fonds ALS[1]ce qui correspond au fonds que Jean Starobinski a fait établir avant sa mort. Cette exposition se compose de trois parties : Les brouillons de l’œuvre de Starobinski, qui renseignent sur la genèse de son œuvre, ainsi que sa correspondance et les références qu’il a annotées, comme les œuvres de Theodor Adorno, un penseur de la théorie des sciences de la communication. Cette exposition veut favoriser une découverte de l’importance de Starobinski dans l’histoire des idées. Elle donne accès aux épreuves de certains des textes qui ont établi la reconnaissance du style de Starobinski. Parmi les textes dont on pouvait voir les brouillons se trouve La Relation critique de Starobinski qui est retravaillée par l’auteur pour être publiée dans la revue des études françaises de l’Université de Turin en 1968. Pour comprendre l’importance de l’exposition, il faut se rappeler que Jean Starobinski était un professeur de littérature française des XVIIIe et XIXe siècles ainsi que des siècles classiques. Il a notamment publié un Baudelaire avec La mélancolie au Miroir, qui propose une nouvelle version de l’interprétation des poèmes de Baudelaire, entre autres ouvrages qui ont fait date dans l’analyse de la littérature.

Son œuvre emblématique La relation critique connaît une édition remaniée et augmentée en 2001, où Jean Starobinski se fait porte-parole d’une vision historique des courants littéraires, et développe donc une approche thématique de la littérature.

De plus, Jean Starobinski, en sa qualité de médecin, connaît très bien la psychanalyse comme en témoigne un article d’Hélène Petitpierre, qu’elle publie dans les Figures de la Psychanalyse, disponible sur Cairn dont la référence figure en bibliographie.

L’homme Starobinski et les regards sur l’œuvre

Au sein de l’exposition sur Starobinski, nous avons pu avoir accès à la genèse de son œuvre et aux annotations des œuvres de Rousseau. Jean-Jacques Rousseau est un philosophe genevois qui a particulièrement influencé Starobinski. Les annotations sur Rousseau mettent particulièrement en avant le côté érudit de Starobinski, car il annotera les textes suivants : le fameux Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes et La Transparence et l’obstacle, sur lequel il effectuera un travail remarquable de redécouverte de l’œuvre de Rousseau qui a fait date dans la collection « Tel quel » de la maison Gallimard. Cette exposition nous fait découvrir l’homme derrière l’œuvre, ce qui se laisse deviner dans sa correspondance et notamment dans les témoignages de l’historien Pierre Nora, qui a été son premier éditeur chez Gallimard. Dans ce cadre, le témoignage de Pierre Nora éclaire d’un nouveau jour la perception de l’œuvre de Starobinski avec l’accès à sa correspondance.

Pour conclure cet article, nous pouvons dire que Jean Starobinski était un polymathe, c’est-à-dire une personne experte en plusieurs sujets, et qu’il a porté très haut la connaissance de la littérature et de la médecine par ses talents de pédagogue et son énorme érudition. C’est un cas à part dans l’histoire de la littérature, comme le fut Michel Serres qui était un de ses successeurs dans l’histoire des idées. Ces deux hommes ont eu à cœur de transmettre les concepts complexes de la médecine et de la littérature par leur volonté insaisissable et ont porté la vulgarisation dans ces domaines à son plus haut degré.

 

 

Bibliographie

 

[1] ALS : Archives littéraires Suisses, qui est garant du Fonds Starobinski qui se situe à Berne.

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