
Mamo Hitz est un artiste polyvalent et passionné. Réalisateur indépendant, il aborde dans ses films des périodes mémorables de l’histoire du Sénégal et contribue au développement culturel de Dakar, notamment avec la création de son webzine Vraimag. Un artiste qui crée avec passion et conviction et pour qui la communauté artistique est un élément crucial dans sa vie aussi bien personnelle que professionnelle.
Mamadou Djiko aka Mamo Hitz est un artiste polyvalent et indépendant. Adolescent, il commence la musique et se perfectionne dans la prise de son et l’enregistrement. Depuis toujours entouré d’artistes, d’acteur.rice.s de la vie culturelle ou d’ami.e.s passant par des écoles de cinéma, il apprend par lui-même le montage et d’autres compétences en autodidaxie avant d’intégrer la filière audiovisuelle de SUP’INFO Dakar.
Les contacts et le réseau personnel et/ou professionnel sont des éléments cruciaux pour lui dans l’avancée de sa carrière personnelle, et il estime qu’en général toute personne qui veut réussir dans le cinéma ou le domaine culturel doit privilégier les contacts. Selon lui, le réseau est le plus important car beaucoup de personnes talentueuses ne sont pas médiatisées et les rencontres peuvent amener à de bonnes surprises et à des collaborations de qualité et même participer à faire connaître les projets.
Création du webzine Vraimag
Une amie réputée dans le milieu artistique lui propose de réaliser le pilote d’une série sur la vie culturelle sénégalaise. Rencontrant son public, il décide, par la suite, de créer un webzine par ses propres moyens et de réaliser des capsules de dix minutes sur des artistes et la vie culturelle sénégalaise. Le webzine a finalement été nommé Vraimag : le nom d’origine avait une connotation trop Street culture et donc susceptible de fermer la porte à une partie du public. Le choix de ce nom règle cette problématique et permet d’inclure tout le monde et d’intéresser une plus large audience.
Le webzine se fait remarquer et Mamo Hitz reçoit une proposition de collaboration avec la télévision. Il rejette cette dernière car ne désirant pas céder au formatage et commandes des sponsors et préférant pour ces raisons rester indépendant et pouvoir s’exprimer et créer son contenu librement.
Premier documentaire : D’une Rive à L’Autre
L’idée de ce documentaire est de recueillir des témoignages de personnes issues de la génération des tirailleurs sénégalais. Le cinéaste explique que les témoins de cette époque ont beaucoup de mal à parler de cette période : même au sein des familles, il n’est pas dans la coutume que cette génération raconte leur vécu à leurs enfants, et il est difficile de trouver des archives à ce sujet ; d’où, l’idée et l’intérêt d’essayer de rassembler des témoignages afin de parler de cette époque et de cet héritage historique.
D’abord, projet indépendant que Mamo Hitz produit lui-même en intégralité, le documentaire le rapproche, par le biais d’un ami rouennais dont la femme est franco-sénégalaise, à l’association Galsen de Rouen, qui apportera également son soutien. Cette association lui permet surtout d’entrer directement et indirectement en contact avec des témoins, deux personnes de l’association, en particulier, qui accepteront de témoigner, et avec deux autres au Sénégal, en essayant d’interroger des personnes issues des différentes ethnies sénégalaises, notamment des témoins Soninkés et Mandingues.
Parmi les témoins, on rencontre un homme âgé, puits de savoirs, employé de la mairie du Havre, un autre contact de l’ami de Mamo Hitz, une ancienne danseuse, et un homme âgé vivant dans un village très éloigné de Dakar et difficile d’accès, qui a accepté de témoigner malgré ses réticences car Mamo Hitz avait fait tout le chemin jusqu’à lui.
Accueil et réussite autour du film
Le pilote du film est envoyé en France, et la mairie de Rouen s’intéresse rapidement au film et propose de le projeter lors du festival Couleurs d’Afrique. L’amie de Mamo, avec lequel il avait réalisé un pilote, lui met à disposition un espace à Dakar pour une projection initialement prévue pour 25 personnes, et qui attirera finalement le double de la cible. L’Institut allemand du Sénégal demande également à projeter le film. Un succès et une évolution inattendus rendus possible grâce au bouche à oreille et au réseau du réalisateur !
Moyens financiers et expériences professionnelles
Mamo Hitz détient une petite boîte de production, mais ses fonds pour financer ses films proviennent principalement de petits projets tels que la réalisation de clips ou de reportages pour des chaînes. Il a également réalisé un reportage sur une célèbre écrivaine sénégalaise, Aminata Sow Fall, la mère d’Abass Abass, un ami musicien avec lequel il a collaboré à de nombreuses reprises, notamment sur son deuxième documentaire. Le projet devait se faire initialement par TV5 Monde, mais c’est Aminata qui a préféré que Mamo le réalise puisqu’il est un ami de son fils. Il a également travaillé sur des caméras-cachées pour Canal +.
Mise à part l’aide de l’association Galsen Rouen pour le premier documentaire, Mamo Hitz produit intégralement ses deux documentaires et produira les prochaines mini-fictions qu’il projette de réaliser. Il n’est, cependant, pas contre l’idée de travailler avec des producteurs ou des grosses boîtes de productions, si ces derniers lui laissent des libertés dans la création de son projet.
Deuxième documentaire : Retour aux sources
À la suite de l’impact surprenant du premier documentaire, le projet d’un second est venu naturellement. L’idée de ce film est de parler de la jeune génération qui, à l’inverse des générations antérieures ayant vécu les diasporas, décide de revenir au Sénégal. Pour ce film, il choisit de concentrer son récit autour de quatre personnes, deux femmes, deux hommes (styliste, chanteur.se.s et danseur.se.s).
Pour ce projet, Mamo Hitz s’est chargé de la réalisation et du montage, et s’est entouré de connaissances, notamment d’une amie dans le métier avec qui il a collaboré pour un film présenté cette année au festival de Cannes, pour la sélection Pavillon Africain. Encore une occasion d’accroître son réseau dans le milieu du cinéma et à l’international ! Il s’est également fait aider par son ami Abass Abass.
Pour ce deuxième film, le réalisateur décide de le sous-titrer en trois langues : français, anglais et espagnol, afin d’élargir son audience. Le Sénégal comprend, en effet, plusieurs communautés, notamment française et espagnole.
Difficultés rencontrées lors des tournages
Mamo Hitz explique qu’au Sénégal, il existe une méfiance à l’égard des caméras. Beaucoup de Sénégalais.es refusent d’être filmé.e.s ou même simplement que leur visage apparaisse à l’écran. Iels se méfient aussi des caméras françaises, car il y a eu beaucoup d’expériences de récits transformés dans le rendu final. Le réalisateur a donc essuyé beaucoup de refus de la part des habitant.e.s qu’il tentait d’interroger. Il a également connu deux désistements, une personne qui repoussait constamment le tournage et une autre qui, une fois le réalisateur venu à sa rencontre, ne souhaitait plus témoigner.
Pour son deuxième documentaire, c’est avec le son que l’équipe a eu des soucis : les images étaient bonnes, mais il a fallu réenregistrer toutes les pistes son. Cela a été rendu possible grâce à la bonne entente entre les équipes ainsi que la patience et l’indulgence des participant.e.s et des collaborateur.rice.s qui ont accepté de réenregistrer pour le son.
Point de vue du cinéaste
Lorsque je lui demande si, selon lui, la réputation et la formation du réalisateur.rice sont cruciales pour convaincre des producteur.rice.s d’investir dans un projet, il me répond qu’en France, cela peut marcher de cette manière, mais qu’au Sénégal, c’est un peu différent. Là-bas, les réseaux sont essentiels pour parvenir à se faire une place et devenir légitime. Un.e cinéaste peut très bien être autodidacte et ne pas encore avoir eu d’expérience sur de gros projets. Toutefois, s’iel parvient à démontrer ce qu’iel compte et peut faire et que cela est solide, iel peut réussir à convaincre des collaborateur.rice.s et des producteur.rice.s. C’est ainsi qu’il explique sa propre vision de voir les choses : selon lui, beaucoup de réalisateur.rice.s sont connu.e.s et privilégié.e.s par les médias, mais la popularité ne fait pas le talent. Lui-même connaît beaucoup d’artistes très talentueux.ses et peu connu.e.s mais que les réseaux, le bouche à oreille peuvent faire émerger : d’où, l’intérêt d’aller s’intéresser à ce que proposent les artistes plutôt qu’à leur réputation, comme il dit : « Je ne fais pas ce qui marche, je fais marcher ce que je fais ». Il ajoute qu’il existe, tout de même, des producteur.rice.s faisant confiance et laissant carte blanche à des réalisateur.rice.s émergent.e.s.
C’est sur l’authenticité que Mamo mise en priorité. Les réalisateur.rice.s les plus célèbres vont souvent être plébiscité.e.s par les médias qui vont faire des commandes, demander des formatages, qui laissent peu de place à l’authenticité. Il explique aussi qu’il ne faut pas rechercher la rentabilité mais créer un projet auquel on croit, et c’est le plus important. Soutenir son projet et être fier de le monter, simplement !
Vie culturelle de Dakar
Pour finir l’interview, Mamo Hitz me parle de la richesse culturelle de Dakar et des nombreux événements pour tous les genres et tous les goûts qui ont lieu chaque année : la Biennale d’Art Contemporain Africain, le Dakar Music Festival, Festigraff, Festival International Hip-Hop en Couleurs, Electrika, Soirées Full moon, etc. Il me dit que la vie culturelle est en plein essor à Dakar et qu’on y rencontre de nombreux.ses artistes professionnel.le.s ou amateur.rice.s.