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Le fléau de la prostitution en Amérique latine

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Les dessous d’une économie noire, fléau en Amérique latine. La prostitution est ici décryptée d’un point de vue interne, vue par des locaux et des prostituées, notamment des enfants.

 

Le travail du sexe (aussi travail sexuel ou encore prostitution) est un néologisme créé par Carol Leigh en 1978 ayant pour but de déstigmatiser la prostitution et venant réaffirmer le sexe comme travail. Comme tout travail, il permet de tirer un revenu par le biais d’un échange économique.

L’Amérique latine est connue pour ses nombreux cas de prostitution enfantine ou infantile. La prostitution infantile est une exploitation sexuelle d’enfants ou de jeunes mineurs en situation précaire. Dans le cas de la prostitution infantile, il s’agit souvent de trafic d’enfants sexuels ou de la réalisation de pornographies infantiles. Les pays les plus touchés par ce fléau en Amérique Latine sont : le Pérou, avec 500 000 cas d’enfants répertoriés, le Vénézuéla, avec 40 000 cas et enfin la Colombie, avec 35 000 cas répertoriés.

Il s’agit surtout de pays en développement qui ont une répartition inégale des ressources et des richesses sur leur territoire, comme cela est le cas dans beaucoup de pays  latino-américains. La misère et la précarité dans certaines régions, comme en Colombie, incitent le développement du commerce sexuel et donc l’augmentation des prédateurs sexuels. Un des problèmes majeurs de cette prostitution illégale est les sévices de mineurs. On compte six  formes définies d’exploitation sexuelle : la prostitution, la traite d’enfants et adolescents à des fins d’exploitation sexuelle, la pornographie infantile, le tourisme sexuel, le mariage forcé ou les unions civiles et l’exploitation sexuelle dans un conflit armé. Les enfants et adolescents touchés par ces six formes de maltraitance sexuelle en gardent d’importantes séquelles psychologiques et physiques.

La normalisation de la prostitution infantile dans de nombreux pays est un fléau ancré dans les mentalités et c’est là où il devient très dangereux et difficile à éradiquer. En effet, de nombreuses collégiennes âgées de 11 à 15 ans environ ne voient rien d’anormal à coucher avec des touristes ni à tourner des films X amateurs. Un journaliste cubain Amir Valle confie après avoir passé du temps à Cuba afin d’écrire un article sur l’expérience de  prostitution qu’une enfant lui a confié avoir réalisé et filmé, à la demande d’un touriste étranger, un acte sexuel avec un animal contre une forte somme d’argent. Ces sévices constituent une véritable humiliation et une violation de l’intégrité de jeunes enfants et de jeunes femmes.

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Dans le cas des travailleuses du sexe adultes, la forme de réussite sociale que cela procure à Cuba, et donc la multiplication des cas de prostitution de jeunes femmes qui rêvent d’une vie meilleure, est aussi un fléau. Un article de l’Express de 2010 s’intitule par exemple « À La Havane, les travailleuses du sexe sont des modèles de réussite ». Cette augmentation des cas de prostitution s’inscrit dans le cadre d’une pauvreté sévère en Amérique du Sud. Les « cavaleuses », comme elles sont parfois appelées, gagnent en effet de l’argent, portent en permanence de nouveaux vêtements, s’habillent même comme des « reines » et cela leur permet également de nourrir leur famille.

Le profil type de ces prostituées est des jeunes femmes majoritairement âgées de 13 à 20 ans. La plupart des clients sont des étrangers, des touristes, souvent occidentaux, qui s’approprient leur corps pour quelques dollars la nuit. Cela permet notamment à ces femmes d’avoir accès à des médicaments très onéreux en Amérique du Sud. De plus, ces couples éphémères alimentent le rêve du prince charmant : nombre d’entre elles espèrent, en effet, quitter le pays en se mariant à un étranger (mythe de « Pretty Woman »).

Le fléau de la prostitution s’associe à une société qui reste secrète dans la société. En effet, il existe une hiérarchie au sein de ce secteur et cela reflète les classes sociales d’origine. Cette hiérarchie suit la pyramide suivante : tout en bas de l’échelle, les prostituées sont appelées les « charognardes », ce sont des femmes peu éduquées, très pauvres, d’aspect assez négligé qui s’habillent à leur compte. Certaines sont jeunes et commencent le métier, d’autres sont des femmes mûres, mais sans ressource. Les « charognardes » ont des tarifs très faibles. Au-dessus, il y a les « cavaleuses » qui travaillent pour des petits macs et ont généralement un niveau d’étude secondaire. Il y a trois types de cavaleuses : celles « en tennis », celles « en sandales », et enfin les plus raffinées, mais aussi les plus courantes appelées « les cavaleuses en talons hauts ». Elles sont très belles, généralement diplômées d’études supérieures et même parfois polyglottes. Elles travaillent pour des associations de proxénètes qui ont des contacts dans des milieux fermés et fréquentés par des diplomates ou des hommes d’affaires étrangères. Enfin, au sommet de la pyramide, on peut citer les « reines » ou les « pharaonnes » qui sont des « cavaleuses à hauts talons » favorites (avec des clients réguliers) ou alors avec beaucoup d’expérience.

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Ce fléau de la prostitution, infantile ou non, entraîne l’existence d’un tourisme sexuel, que l’on peut qualifier de « face cachée » du tourisme de masse. Le tourisme sexuel n’est pas quelque chose de nouveau, mais un système en recomposition. En effet, auparavant, les principaux États victimes de ce phénomène étaient les Philippines et la Thaïlande, mais des campagnes de sensibilisation publiques et une législation plus stricte ont amené à un durcissement des lois dans ces pays et un changement des mentalités autour la prostitution. Par conséquent, aujourd’hui, le tourisme sexuel se tourne davantage vers l’Amérique latine et tout particulièrement vers le Costa Rica ou le Mexique, aujourd’hui classé au deuxième rang mondial du tourisme sexuel des enfants et adolescents, juste derrière la Thaïlande.

Il faut cependant souligner que l’exploitation sexuelle des mineurs n’est pas un phénomène nouveau en Amérique latine et que la prostitution d’enfants, vivant et travaillant dans les rues, soit environ 40 millions, est depuis longtemps une conséquence de la pauvreté. Il s’agit d’un problème qui s’est aggravé avec le développement du tourisme. Ce tourisme sexuel est une forme d’économie dite souterraine, alimentée par d’autres réseaux de marchés noirs. Il y a notamment une corrélation entre paradis fiscaux, réseaux de mafieux et crimes organisés et réseaux de prostitution (c’est le cas de la ville de Tijuana au Mexique, par exemple).

De nombreux organismes, tel qu’UNICEF, luttent contre ce fléau. Malheureusement, en Amérique latine, la pénalisation de ces abus est insuffisante, amenant à une incidence très élevée de la prostitution infantile dans les zones touristiques où vivent des communautés pauvres et exclues, mais où viennent voyageurs et touristes. D’autre part, la véritable ampleur de la violence sexuelle est cachée en raison de sa nature sensible et illégale. La plupart des enfants et des familles ne signalent pas les cas d’abus et d’exploitation en raison de la stigmatisation, de la peur et du manque de confiance envers les autorités.

Aujourd’hui, la question de la réglementation du travail du sexe se pose : existe-t-il réellement un moyen de libérer les femmes et les minorités sexuelles de cette oppression socio-économique ? Il y a deux grands mouvements sur cette question : d’une part, le travail sexuel est vu par les mouvements féministes d’Amérique Latine comme la perpétuation et l’expression maximale du patriarcat puisque cela réduit la femme à un morceau de chair qui n’existe que pour satisfaire l’homme (position abolitionniste). D’autre part, il existe un mouvement féministe qui aspire à une libre autogouvernance des travailleuses du sexe au niveau économique (position réglementariste). Dans ce cas-là, le travail sexuel devient un acte de conscience. La législation du travail du sexe pour les femmes majeures serait un moyen de prendre en main leur avenir et leur travail. Néanmoins, cela ne signifie pas que ce travail est exempt de tout risque et, de ce fait, il est nécessaire que les États latino-américains mettent en place des politiques afin de protéger les travailleuses du sexe.

 

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