Le Boom du yoga en 2020 : Sursaut de l’humanité ou effet de Mode ?

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Le yoga existe depuis des milliers d’années. Une pratique souvent mal connue qui rassemble des enseignements physiques, énergétiques et spirituels, aux bienfaits innombrables et dont les diverses formes portent des noms bien compliqués pour le commun des mortels. En Inde, il fait partie intégrante de la culture populaire ; aux Etats-Unis, des business très puissants se sont entièrement construits grâce à lui depuis des décennies ; en Amérique Latine, une place importante lui est faite parmi toutes les thérapies holistiques ; et en Europe, il est de plus en plus pris au sérieux… surtout depuis la pandémie de la Covid-19.

En effet, l’année 2020 a vu partout à la surface du globe l’explosion de cette pratique, comme celle d’un marché de niche endormi ne demandant qu’à être réveillé. De quoi se demander ce que révèle ce boom : l’humanité tout entière a-t-elle soudain décidé de s’éveiller à cette pratique physique et spirituelle ou s’est-il simplement agi d’un effet de mode passager ?

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©My Uma Yoga

 

Revenons quelques mois en arrière, début 2020. La planète tout entière se retrouve peu à peu confinée et doit faire face à une situation inédite, sur tous les plans. Au niveau sanitaire, la méconnaissance de ce nouveau virus fait croître la peur dans tous les foyers : on s’enferme. Chacun se retrouve entre quatre murs, seul avec une famille qu’il ne côtoie habituellement que quelques heures par jour, et surtout, face à soi-même. Rapidement, le yoga apparaît alors comme une solution tout-en-un pour faire face au chaos.

En tant que pratique physique et énergétique, le yoga est mis en avant pour sa faculté à développer notre immunité, grâce à des exercices physiques et respiratoires. La peur de tomber malade et les déclarations dans la presse du premier ministre indien achèvent de convaincre de nombreuses personnes de rejoindre leur tapis pour résister au virus. Il faut dire aussi que le yoga est une pratique qui ne nécessite pratiquement aucun investissement : une tenue confortable, un tapis de gym (une simple serviette au sol peut même être suffisante pour certains types de yoga), et le tour est joué. Aujourd’hui, avec une connexion Internet, prendre un cours avec un professeur d’un autre pays est complètement possible ! À l’heure de la technologie et des pratiques disponibles en Replay, les freins que sont parfois le regard des autres, le sentiment de honte ou la peur de pratiquer en groupe disparaissent. Surtout, chacun dispose à ce moment-là de temps. Beaucoup de temps.

Le confinement, l’ennui, le mental qui tourne en boucle, sont autant d’arguments : on sait bien qu’ « un roi sans divertissement est un homme plein de misères ». Au-delà du défi sportif naît alors un intérêt spirituel pour la méditation. Même sans savoir de quoi il s’agit, chacun veut la pratiquer, y cherchant sans doute une épiphanie, ou simplement des réponses à cette situation incroyable qu’il nous est donné de traverser. La pandémie et le confinement soulèvent d’innombrables interrogations, tant au niveau personnel que sociétal. Parmi elles : le sens de la vie, l’importance de la santé, l’environnement, la place de l’Homme dans le monde, les priorités de chacun dans sa vie personnelle, professionnelle, le temps passé en famille, la personne avec qui on partage sa vie… Ajoutez à cela l’obligation du télétravail, l’absence d’école pour des enfants qu’on ne sait plus comment canaliser, la menace d’un virus inconnu à l’extérieur, les restrictions géographiques et horaires, l’isolement, les difficultés économiques, l’absence de projet à court et à long terme… La cocotte-minute est prête à exploser. Devant ce condensé du pire, digne d’un film catastrophe, le yoga offre alors une solution plus que bienvenue, une parenthèse, une échappatoire. Les quelques minutes passées sur le tapis à respirer, à fermer les yeux sont des minutes loin de ce monde plongé dans le chaos, et le seul voyage autorisé. Très vite, chez certains, ces quelques minutes deviennent même nécessaires, voire addictives.

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Tout cela explique l’essor incroyable qu’a connu cette pratique ancestrale l’année dernière. Comme si le monde avait attendu de connaître un déclencheur – la Covid-19 – pour s’éveiller au yoga. Privée de toutes les autres façons de se divertir, relâcher les tensions ou s’aérer l’esprit, l’Humanité s’est alors tournée vers le yoga qui aurait été le sport le plus pratiqué en 2020. Plus d’1 million de recherches Internet, 89 millions d’hashtags sur les réseaux sociaux et 27 millions de partages d’articles concernant cette discipline (Source : Vogue du 4 février 2021). Ces chiffres sont le reflet d’une explosion rapide de l’offre de cours en ligne (jusqu’alors presque invisible), de la diversité des pratiques (Yin yoga, Vinyasa, Kundalini, Ashtanga, Méditation guidée…) et d’une visibilité accrue pour tout ce que le monde avait à offrir touchant de près ou de loin au yoga et pouvant être une solution face à la crise : pratiques de relaxation, chant de mantra, bains sonores, cérémonies du cacao, Ho’oponopono … Certaines écoles réputées tirent leur épingle du jeu et proposent des formules alléchantes, parfois quotidiennes et gratuites, démocratisant au maximum cette pratique qui devient alors plus accessible. Véritable phénomène de société, des fidèles se retrouvent alors virtuellement pour partager des pratiques matinales ou à l’heure de l’apéro : on pense à Lili Barbery-Coulon et ses Lives Instagram qui rassemblent chaque soir plus de 6000 personnes. Peu à peu, tous les influenceurs, les stars, les personnalités publiques postent des photos en jogging pendant ou après leur séance de yoga à la maison. On se souvient des rayons dévalisés chez les grandes enseignes sportives – pas moyen de mettre la main sur un tapis. De jeunes marques de vêtements ou d’accessoires de yoga voient leurs ventes exploser. Les marques de fast fashion comme Zara, H&M ou Etam développent leur ligne Homewear ou spéciale yoga… À la réouverture progressive, chaque mairie veut avoir son programme bien-être et le printemps permet peu à peu de proposer des activités plein-air, parmi lesquelles le yoga tient une place centrale. Des preuves concrètes d’une demande toute nouvelle de la part de la société. Victoria Pratis, professeure de yoga en Argentine (@victoria.pratis), s’exprime : « Je crois que cette pandémie est la plus grande manifestation du fait que nous avons besoin d’un changement ». En 2020, la demande de cours en ligne comme en salle a en effet explosé, et le yoga s’est révélé être un sas de décompression parfait pour de nombreux élèves, débutants comme chevronnés.

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Revenons en juillet 2021. Un an et demi après le début de la pandémie, où en est-on de ce phénomène ? La vie a progressivement repris son cours, quoiqu’à un rythme ralenti : certains sont sortis du télétravail, et les écoles, ainsi que les commerces rouvrent peu à peu au fil des confinements et déconfinements. Les écoles de yoga continuent d’offrir leurs services, mais les cours sont un peu moins fréquentés, alors qu’ils étaient tous complets un an plus tôt. Nombreuses tenues de yoga, tapis et livres achetés pendant le confinement se retrouvent sur les sites de seconde main. Après l’euphorie de l’été 2020, les contretemps habituels réapparaissent pour justifier la baisse de pratique : la fatigue après le travail, aller chercher les enfants à l’école, le manque de temps… S’est-on déjà lassés de cette discipline si riche qui nous a offert tant de solutions quand nous en avions besoin et qui nous offre des pistes de développement personnel et d’éveil de conscience illimitées ? En avons-nous déjà fait le tour, oubliant nos propos et notre souhait de « ne pas revenir à la vie d’avant » mais plutôt de « ralentir et prendre davantage soin de nous » ?

Certes, la réouverture générale a un attrait indéniable. En Europe, elle coïncide avec le retour des beaux jours et la réouverture des terrasses, des cinémas, les départs en vacances. Le besoin de prioriser les liens sociaux et familiaux après des mois d’isolement est également compréhensible, et ce vent de libération relègue souvent la pratique du yoga au second plan. Ajoutons à cela un ras-le-bol général à l’encontre des formules en ligne et des écrans, les cours en salle restant évidemment plus attractifs, mais aussi plus compliqués à maintenir cette année encore. Les restrictions sanitaires, loin d’être derrière nous, obligent en effet souvent à annuler les séances en présentiel et à repasser derrière l’écran, ce qui rend difficile la pratique régulière du yoga. De nombreux professeurs témoignent d’une perte d’environ 50% des effectifs entre une séance en ligne ou en salle.

Pour autant, ils ne parlent pas de diminution mais plutôt de croissance plus douce. Il est encore tôt pour tirer des conclusions, mais l’essoufflement du mouvement semble logique après sa montée en puissance phénoménale l’année dernière. Après une curiosité de tous pour le yoga, il faudra sans doute s’attendre à une croissance plus douce dans les prochaines années, et il n’y a pas de raison de penser que l’intérêt pour la discipline s’éteigne, car notre propre façon de vivre nous rend yoga-dépendant. Lisandro Botto, professeur de yoga Ashtanga à Buenos Aires, constate : « Le style de vie que nous traversons actuellement est plutôt stressant, angoissant et les gens cherchent à se trouver eux-mêmes. […] Le stress se voit dans les corps, ils sont rigides. La vie actuelle conspire pour que les gens pratiquent toujours plus ». Autrement dit, cette société à laquelle nous appartenons, où tout va toujours plus vite, où il faut être plus efficace, plus rentable, cette société toujours plus exigeante, moins respectueuse de l’environnement et de l’être humain, cette société elle-même fait que nous avons chaque jour davantage besoin du yoga pour calmer le mental et ouvrir nos corps. Paradoxalement, et comme dans un cercle vicieux, la médiocrité de notre société est proportionnelle à notre besoin de yoga. Si nous vivions correctement, sainement, alignés et en conscience à chaque instant, nous n’aurions sans doute pas besoin de yoga dans nos vies.

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Les hamsters sont remontés dans leur roue, pressés de se remettre à courir. Pour autant, et malgré la reprise des activités, certaines conséquences positives de l’année 2020 sont indéniables. D’abord, certains hamsters ont refusé de remonter dans leur roue. Pour de nombreuses personnes, 2020 a été l’année d’un virage à 180 degrés au niveau carrière ou au niveau personnel. Après avoir ancré la pratique du yoga dans leur quotidien, certains ont choisi de continuer leur quête de sens bien au-delà, ayant trouvé dans cette pratique une manière de traverser la crise du confinement, mais surtout une béquille dans leur vie de tous les jours.

Ils ont choisi d’en faire une priorité, et de vivre alignés. Pas question de se retirer dans un monastère ou de méditer des heures chaque jour. Il s’agit ici de choix quotidiens, que ce soit en termes d’emploi, d’alimentation, d’éducation, de conduite personnelle, d’estime de soi… Ana de la Quintana, professeure de yoga argentine, a pu observer ce phénomène : « Je crois que le changement tient au fait que beaucoup se sont rendu compte que la vie qu’ils menaient étaient davantage tournée vers l’extérieur que vers l’intérieur, ils se sentaient vides, incapables de profiter, et ne s’autorisaient pas à se reposer. […] A quoi sert une routine structurée et stable en apparence si elle ne nous permet pas de profiter des choses les plus simples. Le yoga est arrivé et son essor doit permettre un moment de calme dans tout ce bruit extérieur ».

Cette crise mondiale de la Covid-19 a indéniablement donné une visibilité énorme à la discipline du yoga, une discipline bien souvent déconsidérée ou mal connue. Cette visibilité a donc sans doute permis à beaucoup de la découvrir, de sentir qu’ils étaient capables, et que le yoga n’était pas « pour les gens souples », ou « pour les autres » … Si chacun reste libre de pratiquer ou non l’activité de son choix, le yoga semble apporter des bienfaits si multiples qu’on ne peut que se réjouir de sa démocratisation. En 2020, personne n’a pu passer à côté des innombrables publications ou stories Instagram, des photos de postures sur Facebook ou des publicités pour une retraite de yoga dans un endroit ensoleillé et féérique. Alors effet de mode ? Sans doute, mais comme le dit Victoria Pratis, « une mode saine », qui fait moins peur, semble moins élitiste, et est donc arrivée partout.

Paradoxalement, la pandémie a donc eu un effet positif, en augmentant de façon très importante l’intérêt porté au yoga. Un intérêt qui continue de croître mais de façon moindre depuis quelques mois. Aussi, avant de parler d’un réel éveil de conscience collective, il faudra continuer d’observer l’évolution de la pratique du yoga dans notre société. Rendez-vous dans 5 ou 10 ans, pour voir si nous avons connu l’an dernier un sursaut de sagesse ou si la pratique soudaine et en masse de cette discipline millénaire a juste coïncidé avec un moment d’ennui de l’Humanité.

Victoria Pratis se veut optimiste, selon elle, la pandémie « a mis en évidence ce cercle de croyance dans lequel l’homme se croit infini et nous a permis de nous heurter contre les murs de la réalité, et de nous réveiller ». Le yoga peu à peu enseigné dès le plus jeune âge à l’école, mais aussi la multiplication des professeurs formés pour le partager est un espoir supplémentaire. Comme le dit Anita de la Quintana : « de toute façon, avant la pandémie croissait déjà la conscience de l’amour-propre, le respect de soi, la non-violence, revenir à un environnement écologique, une alimentation naturelle, et se connecter et écouter son corps. La pandémie l’a juste mis en évidence ».

 

Crédits photos : ©My Uma Yoga

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Commentaires (3)

Merci pour cette analyse intéressante ! C’est vrai que je m’interroge : le mois de juillet est étrangement calme pour les cours en presentiel… effet du déconfinement, retombée du soufflet ? l’avenir nous le dira…

Première photo, très très mal choisi… La posture est ici fait avec une degré proche du zéro de conscience de son propre corps…On est dans l’imaginaire du yoga, un peu à l’image du reste de l’article qui énonce une soit disant réflexion alors que ce n’est qu’un déballage de poncifs.Enfin c’est sans doute destiné au grand public, dans ce cas, normal…

Merci pour votre commentaire. Le yoga nous enseigne – entre milles autres choses – la tolérance et c’est donc intéressant d’avoir un point de vue différent. Je suis désolée de lire que cet article destiné au “grand public” ne vous a rien apporté. Vous avez sans doute un niveau de conscience supérieur. Je me permets quand même deux-trois précisions :

1/ porter un jugement si dépréciatif sur une posture sans rien connaître du niveau de l’élève, de son cheminement, ni de son type de pratique au moment de la photo me surprend de la part d’une personne qui en sait autant sur le yoga.

2/ la pratique du yoga nous enseigne en effet la conscience de notre propre corps, la perception de soi-même : comment en tant que personne extérieure pouvez-vous affirmer que je n’ai aucune conscience de mon corps au moment où je pratique, il me semble que seul l’élève peut le savoir…

3/ essayons de respecter la ligne éditoriale de R-Magazine et de nous exprimer dans le respect les uns des autres, voire même avec cette bienveillance que nous enseigne normalement le yoga et qui fait cruellement défaut à votre commentaire.

Bonne soirée et bonne route!

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