Rares sont les plantes vertes qui ont fait autant parler que taire, autant se battre que s’aimer. Interdite, obligatoire, ré-interdite ou tolérée, idolâtrée puis haïe, la plante verte a servi aussi bien les meilleures causes que les pires. Qu’on l’appelle cannabis, herbe, beuh, ganja ou jive, qu’on la fume ou qu’on en fasse du beurre et de l’huile, qu’on l’utilise pour les psychotropes ou la médecine, qu’on soit pour ou contre, il y a une constatation sur laquelle on sera tous-tes d’accord : elle accompagne l’Homme depuis la nuit des temps.
Probablement originaire d’Asie, les plus anciennes preuves de son utilisation par l’Homme ont été retrouvées en Chine et datent de 12 000 ans. Mais on sait que l’Homme connait cette plante depuis au moins l’ère Néolithique. Difficile en effet de ne pas remarquer une plante pouvant atteindre 4,50 m de haut. Servant les rituels religieux, la médecine ou simplement récréative, le cannabis est une star partout, surtout en Inde où depuis des milliers d’années, la plante est considérée comme sacrée… avant d’être interdite dans les années 30 !
Un peu d’histoire et de musique Noire
La révolution mexicaine en 1910 déborde sur les USA, les mexicains se battent avec le joint au bec, ce qui a le don d’énerver les Américains, encore plus lorsque les Mexicains chantent (crient) à tue-tête la désormais célèbre Cucaracha, dont tout le monde peut chanter au moins la dernière phrase du premier couplet : « marijuana que fumar ». J’avoue que c’est la seule phrase de la chanson que je sais dire.
Un politicien Texan et des Mormons, il n’en faut pas plus pour que l’herbe soit interdite à la consommation sous prétexte qu’elle rend dingue. On l’accuse à tort d’être à l’origine de la folie des mexicains et des noirs, les amenant à tuer sauvagement, ou à violer les femmes. La peur de la folie s’installe et petit à petit, le cannabis est interdit partout. Un bel exemple d’hypocrisie, de racisme, de manipulation, la belle excuse pour mettre sous les verrous tous ceux qui « dérangeaient », et qui comme par hasard étaient Mexicains, noirs, Juifs, homosexuels ou païens. Ce mensonge éhonté décidera Malcom X à prendre la défense de la communauté afro-américaine. Plus jeune, il vendait lui-même de l’herbe aux chanteurs de jazz dont il aimait particulièrement la musique. Ce même mensonge servira aussi à des extrémistes comme le KKK de justificatif à de nombreux actes barbares purement racistes.
Alors mettez vous une minute à la place de ces artistes Noirs, principalement Jazzmen, Bluesmen, Reggaemen, pour qui l’herbe en plus d’un bon copain qui fait bien rigoler, est presque inscrite dans les gènes, parce que faisant partie intégrante de leur culture et reliée à leur histoire. Le cannabis et la musique Noire sont intrinsèquement liés. Leurs chansons parlent du roi cannabis, ils composent et chantent en fumant, font la fête en fumant, vivent en fumant. Non pas qu’ils soient accro, ils consomment les joints comme un Français mange du pain : c’est naturel, culturel, et arrêter n’aurait aucun sens. L’herbe a toujours été leur alliée, et voilà qu’on se sert d’elle contre eux.
Après l’interdiction, on en parle moins dans les chansons. Les musiciens essaient de se faire discrets, mais Toots Hibbert se fait incarcérer pendant 18 mois, à « titre d’exemple ». Une peine bien lourde, dont il ne sera malheureusement pas la seule victime. Jusqu’en Jamaïque, où pourtant la consommation est traditionnelle, on risque la prison. Mais, déjà à cette époque, l’interdiction n’empêche que très peu la consommation et le trafic fait son petit chemin.
Un tout petit peu de rock, de livre et de peinture
Le cannabis est aussi consommé par les rockeurs, mais ils lui préfèrent souvent les drogues dites dures. Il aide à supporter un rythme de vie parfois crevant, à composer des chansons, à oublier, ou simplement à se faire plaisir. Beaucoup d’artistes peintres ou d’écrivains étaient aussi connus pour consommer de l’herbe. Elle les aide à se concentrer sur la création de leurs œuvres, ou à trouver l’inspiration, voire encore à se libérer de « barrières artistiques » qui pourraient freiner leur imagination. Fumer leur donne en quelque sorte le courage de pondre ce qu’ils ont vraiment envie de faire, sans se soucier des critiques, du bien fondé de l’œuvre, de la provoc’. Comme si fumer faisait sortir la vérité d’eux-mêmes et permettait de la mettre telle quelle sur papier ou sur toile.
Et la mode dans tout ça ?
Les créateurs de mode aiment aussi le cannabis, en particulier une variété appelée chanvre. Celle-ci est riche en fibres et permet, entre autre, la fabrication de cordes très solides. Gutenberg a imprimé son premier livre avec du papier de chanvre (tiens, qui a parlé de lutte contre la déforestation ?). Les vêtements et accessoires en chanvre ont de multiples avantages : ils sont solides, et consomment 4 fois moins d’eau que le coton pour leur fabrication. Ils sont une très bonne alternative à ceux qui sont végétariens, qui aiment le bio, qui cherchent à s’habiller équitable. Sacs, chaussures, foulards, chapeaux, bijoux, ceintures, portefeuilles, vêtements et sous-vêtements, en naviguant sur internet, vous trouverez de tout. Nombreux sont les marques et créateurs connus pour avoir supprimé les animaux et fourrures, mêmes fausses, de leurs collections. Qui sera le premier à passer au chanvre ? Les paris sont ouverts !
… Et même de l’architecture ou de la sculpture !
Le chanvre, on peut en faire un très bon béton, et c’est un excellent isolant. À gauche, à droite, des sociétés désireuses d’inverser la tendance se spécialisent en construction de maisons en chanvre. Les jeunes architectes ont senti le filon et les premières maisons d’architectes en chanvre font leur apparition. De la chaux, du chanvre, et on peut aussi sculpter. Je n’ai malheureusement pas eu de réponses des artistes et ne peux vous en dire plus.
Pour en savoir plus :
« Shit! » et « Cultures cannabis » de Bruno Blum
Que sais-je ? Numéro 3084 spécial Cannabis
Wikipedia, Google