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La protestation par le style ou être élégant pour être digne

Comment ne pas remarquer cet élan d’élégance d’un nouveau genre plébiscité par les hommes et les femmes noirs ? D’où vient cette tendance ? Quelle est la place de l’élégance africaine dans la culture pop actuelle ?

Ce sont des questions que l’on peut légitimement se poser en cette ère de la nappy girl et du dandy chic. Alors qui sont ces hommes et ces femmes qui revendiquent une peau noire, des cheveux crépus et un style implacable ?

Un peu d’histoire…

Les esclaves recevaient généralement une tenue par an, mais ils avaient pour habitude de l’agrémenter pour lui donner un signe distinctif, une identité, se l’approprier. Pour cela, ils utilisaient les restes de tissus provenant des tenues de leurs maîtres.

Après l’abolition de l’esclavage, le style est devenu primordial pour une communauté noire qui voulait retrouver sa dignité extérieure, reprendre possession de son corps et de son apparence.

Dans la communauté noire chrétienne, le dimanche, jour de messe, c’était la tradition du « Sunday best », on était élégant pour honorer Dieu.

Etre élégant pour rester digne, tel est l’enjeu de la chose, c’est une question de vie ou de mort, on s’habille selon le rôle que l’on souhaite jouer dans la vie. Un « black mal fagoté » est un « black » suspect, le sweat à capuche devenant une cible, un objet de suspicion qui mène à des scénarios comme ceux qui ont indigné récemment les Etats Unis (mort de Michael Brown et d’Eric Garner).

Le look hip hop, plus gros marché de la mode afro, a paradoxalement enfermé ses adeptes dans le piège social  du style paresseux, dans une nouvelle forme d’asservissement, une auto caricature de l’homme noir…

La figure emblématique du hip hop est le « baggy », ou l’art de porter un pantalon beaucoup trop grand… Des vêtements diamétralement opposés au monde des affaires duquel les noirs étaient exclus, mais aussi un style emprunté aux tenues portées dans les prisons… Sans discuter de l’efficacité ou de l’intelligence de cette forme de contestation (la majorité des adeptes de ce vêtement n’en connaissant pas les origines), on peut reconnaître au look baggy le mérite de ne pas passer inaperçu.

 

Une caricature que de plus en plus de personnalités noires commencent à renverser…

De Jay Z à Kanye West en passant par Pharrell Williams, l’homme noir monte sur la scène du style, le look chic urbain ou homme d’affaires viennent détrôner le roi hip hop. Les fashion week remplacent les battle. C’est ainsi que les plus prestigieuses maisons françaises du luxe, en plus de s’inspirer d’imprimés africains (top of the pop), ont désormais recours à des figures noires : Rihanna devient la première égérie noire de la maison Dior et Kanye West apparaît dans les campagnes publicitaires de Balmain. Le designer noir Shayne Oliver (Hood by Air) s’est même lancé dans le « ghetto gothique »!

 

Style is the new black …

Le nouvel Homme noir est jeune, élégant, souvent diplômé, de plus en plus entrepreneur et engagé, enraciné dans sa culture, créatif, expressif. Il aime l’image du couple Obama, parle de politique.

Il se transforme en sa propre œuvre d’art, adapte l’esthétique européenne à la sensibilité africaine, fait de son style une contestation, revendique ses cheveux crépus, ses wax et autres accessoires « d’origine » ! Naît alors un nouveau mélange des genres dans lequel on retrouve l’affirmation d’une nouvelle identité, d’une nouvelle indépendance… Cet Homme noir ne veut plus se contenter de consommer la mode, il l’inspire. Il se veut afro-élégant, casse les clichés. Il n’est plus question de mode mais de style, car seul ce dernier est propre à chacun. Il parcourt les marchés à la recherche de tissus, vêtements vintage et autres sources d’inspiration qu’il ne manquera pas de mixer avec ses tissus africains.

La femme noire, en plus d’être concernée par ce qui est écrit supra, se souvient de qui elle est ; elle se rend compte que sa conception de la beauté a été égarée, formatée. Elle proteste en assumant son cheveu crépu, ses tresses coiffées selon mille et une fantaisies. Elle tourne le dos au défrisage, a pour horreur l’idée de s’éclaircir la peau… elle se souvient que le noir … c’est beau !

Digne mais à quel prix ?

Etre élégant pour rester digne… une idée tellement ancrée chez certaines populations noires qu’on peut déplorer que malgré des conditions de pauvreté extrême, celles-ci privilégient l’investissement dans la tenue vestimentaire plutôt que dans des besoins plus essentiels… Certains penseront que c’est insensé, d’autres leurs répondront que c’est une  forme de résistance, un pied de nez aux contraintes sociétales !

 

Le sapologue, objet « sapant » non identifié !

Si vous n’avez pas le souvenir d’en avoir rencontré un… c’est que vous n’en avez jamais rencontré ! La « sapologie » congolaise si chère aux « sapeurs » flamboyants est avant tout une contestation du régime de la dictature, l’expression d’une forme d’indifférence et d’opposition au régime, qui permet également de rendre le quotidien plus vivable, de contourner la misère, d’ignorer la cruauté de la vie.

L’Afrique ! Autant de pays souverains que de conceptions de l’élégance ! Mais cette élégance est avant tout une forme de langage. Prénom : Africa. Nom : Original

Article très subjectif inspiré du film de Laurent Lunetta et Ariel Wizman « Black Dandy », de mon expérience, de mon entourage mais également des nouveaux showroom que sont la rue et les réseaux sociaux !

Anne Suzanne Diokh

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