La lecture a-t-elle sa place dans le monde d’aujourd’hui ? Les smartphones avec leur infinité d’applications à divertissement rapide vont-ils anéantir l’amour de longues histoires ? Quel est le scénario-catastrophe du monde littéraire ? Je ne sais pas. Quoiqu’il en soit, je voudrais vous raconter ma propre expérience de la lecture aux temps modernes.
Il me faut ma dose quotidienne du noir sur blanc. C’est une de ces choses que je fais vraiment tous les jours : prendre mon café, brosser mes dents, manger, lire,… En partant en week-end, si j’oublie mon pyjama, chargeur téléphone ou étui lentilles, ce n’est pas une telle catastrophe que quand j’oublie mon livre. Je me sens avec un bras en moins.
D’où vient-elle l’envie de lire ? Je ne pense pas qu’il existe une réponse, mais j’imagine que pour comme beaucoup de choses, l’amour du livre se forme en grande partie à l’enfance. Si depuis toujours on associe la lecture à un temps agréable – passé avec les parents ou grands-parents – en compagnie de nos premiers héros et vilains, ce n’est pas le prof chiant, ni les lectures scolaires obligatoires ou les distractions digitales qui vont nous enlever l’envie de sentir les pages sous ses doigts.
Ceux qui disent : Où va-t-on ? et Les choses ne sont plus pareils ! ou encore Ah, cette nouvelle génération… vont aussi dire que l’internet, les smartphones et le Facebook tuent le goût pour la littérature.
Oui, c’est peut-être vrai pour certains…
Mais dans mon cas – c’est-à-dire chez une personne qui a déjà le goût pour les livres – ce méchant monde sur-digitalisé n’a fait qu’accroître mes habitudes. Plus exactement, trois éléments résolument modernes ont changé, au cours d’une seule année, ma manière, fréquence et facilité de lire… Pour le mieux.
Il y a 5 ans, j’avais commencé un travail dans une boîte brésilienne de design et de décoration. Le deuxième jour, j’étais en train de me battre avec Photoshop, lorsque deux carnets de note se sont posés à côté de ma souris.
« J’ai remarqué que tu aimes le papier » dit mon boss, en souriant.
Oui, j’ai toujours aimé le papier ! Au travail, je résistais obstinément à adopter les applications destinées à prendre des notes et continuais à utiliser le crayon et le cahier. En ce qui concerne les livres, mon attitude était similaire. Pendant longtemps, j’étais l’ambassadrice des clichés, tel que : « Jamais, je n’aurais échangé un livre contre un gadget digital » ou bien « J’adore les livres, non seulement pour leur contenu, mais aussi en tant qu’objets ».
Mais dernièrement, j’ai compris qu’on peut continuer à adorer les livres en papier, à les renifler en cachette et à acheter les titres en physique de nos auteurs préférés, sans pour autant faire semblant que l’on n’entend pas quand quelqu’un dit « Kindle » en notre présence.
Pourquoi j’ai donc changé d’avis ? Pourquoi, j’ai décidé de donner une chance aux liseuses ?
Parce que cela faisait presqu’un an que je n’étais pas rentrée en Europe et au Brésil (où je vis actuellement), j’avais du mal à trouver les titres qui m’intéressaient dans la langue que je souhaitais. Je veux bien lire Jorge Amado en portugais (et d’ailleurs dans aucune autre langue), mais je refuse de lire des livres traduits alors que je comprends les versions originales.
Kindle a été la solution parfaite à mon problème : des livres en anglais, français et éventuellement en espagnol, en un seul clic.
Mais il s’est avéré que la petite machine blanche proportionne beaucoup plus d’avantages que je ne me suis jamais imaginé. Ou plutôt, que je n’ai jamais voulu admettre.
C’est léger – même très léger ! En ce moment, cela a peu d’importance, car je lis surtout chez moi, sortant rarement dehors et encore moins partir en voyage. Mais une fois dans le sac-à-dos, en route pour l’Amérique central, ça aura beaucoup plus d’importance. L’équivalent à trois voire quatre kilos de livres en moins sur les épaules, car c’est l’avantage d’une liseuse qui garantit un gain de place et de poids substantiel.
À chaque grand voyage, j’achetais la littérature en fonction de l’itinéraire : The White Tiger pour l’Inde, The Burmese Days pour le Myanmar, Red Dust pour la Chine etc. C’est lourd. Et des briques… enfin, des guides, je voulais dire… Je n’en parle même pas.
Et puis, au bout de quelques mois, on avait vite fait le tour de notre humble bibliothèque. Le sac à dos s’allégeait, mais on était obligé de lire ce qui était disponible sur la route. Et il n’y a rien de pire que les petites bibliothèques dans les auberges de jeunesse, sauf si vous n’avez pas encore lu l’Alchimiste, le Da Vinci Code et On the Road.
Enfin bref. J’ai hâte du prochain voyage, rien que pour mettre mon Kindle 10ème génération (un des moins chers du marché) dans la poche, avec la légèreté d’une bibliothèque infinie et avec un écran rétroéclairé, pour les trajets en bus de nuit et les hôtels bon marché sans lampe de chevet.
Non, ça ne se décharge pas rapidement. Oui, ça résiste à l’eau. Non, ce n’est pas un vrai livre, mais j’adore quand même.
Deuxième chose qui m’a beaucoup influencé dernièrement est Goodreads, qui est qui est un véritable paradis pour les bibliophiles.
Goodreads est avant tout un catalogue bien complet : on y trouve les informations de base sur tous les livres, leurs annotations, ainsi qu’évaluations des autres lecteurs. Mais le site (ou application) possède également toutes les caractéristiques d’un réseau social : les profils d’utilisateurs et des auteurs, les posts, les commentaires, les likes, les opinions exaltées et les disputes acharnées, les influencers etc. On peut y ranger nos titres sur les étagères virtuels et avoir toutes nos listes (par défaut Lu, À lire et En lecture, ainsi que des listes personnalisables) réunies en un seul lieu.
Il y aura sûrement des personnes qui qui vont me dire que Goodreads est juste une autre manière de nous manipuler et nous pousser à la surconsommation… Après tout, Amazon en est le propriétaire. Moi je dis : Surconsommation de livre ? Comptez sur moi !
Non, sérieusement. S’il y a quelque part où je ne me sens pas forcée à consommer quelque chose que je ne veux pas, c’est bien sur Goodreads. L’application me montre exactement ce que j’aime voir, contrairement aux autres réseaux sociaux et sites comme Amazon, qui n’ont toujours pas compris que je ne suis pas intéressée aux astuces de maquillage, ni aux livres enseignant comment gagner des millions de dollars en un an.
Grâce aux consultations sur Goodreads, j’arrive mieux à trouver les lectures qui me conviennent. Avant, je n’en avais pas autant besoin, car je lisais surtout les classiques et honnêtement, à quoi bon chercher les commentaires sur George Orwell ? On sait tous que c’est le meilleur écrivain du monde. Par contre, avec la littérature contemporaine et les romans récemment parus, je sens que je dois creuser un peu plus, si je ne veux pas ramasser les premiers best-sellers commerciaux qu’on me met sous le nez.
Par un mystérieux jeu de coïncidences, une autre grosse découverte littéraire s’est produite elle aussi l’année dernière. Je sais que ce n’est rien de nouveau sur la Terre, mais c’est nouveau dans ma vie : les livres audios, autrement dit, les livres dont on a enregistré le texte lu à la haute voix.
Même pour ceux qui les connaissaient depuis longtemps, il y a quand même une importante différence par rapport aux époques passées. Auparavant, les livres parlés devaient être stockés sur les médias physiques encombrants comme les cassettes audios. Aujourd’hui, les smartphones rendent l’écoute nettement plus simple. De même, les créateurs d’audio books ne se limitent plus aux classiques et aux fameux best-sellers : actuellement quasiment tous les ouvrages parus en version papier sont disponibles en version parlée.
Si vous aimez lire et si ça vous tracasse qu’un jour vous allez mourir sans avoir lu tous les chefs-d’œuvre de la littérature (je vous comprends !), vous allez adorer les audio books. Car ils vont doubler, sinon tripler vos moments dédiés à la lecture. Aujourd’hui, je “lis” dans la voiture, en nettoyant la maison, en mangeant, en cuisinant, en solitude, en couple… Je n’ai jamais autant aimé les embouteillages et les tâches domestiques !
À part si vous avez un très grave problème de concentration, vous allez y arriver. Même mon mari, qui généralement ne peut pas faire deux choses en même temps, se débrouille plutôt bien à l’écoute des aventures de Holmes et de Watson, tout en découpant les carottes pour le pot-au-feu.
Je ne pensais pas qu’un jour j’arriverai à dépasser ma moyenne quinze livres par an. Dans le passé, j’ai essayé d’assimiler les techniques de lecture rapide, mais j’ai surtout rapidement compris que ce n’était pas pour moi. J’ai jeté l’éponge.
2020 marquait un tournant pour moi et rien à voir avec le Covid.
J’ai lu presque deux fois plus de titres que jamais auparavant, et en 2021, le pronostic est encore meilleur : je vais très probablement dépasser le challenge que je me suis fixée sur Goodreads. Tout cela en continuant à lire à mon rythme, celui d’un escargot déchaîné.
Ni les livres électroniques, ni les audio books, ni aucune application du monde ne remplaceront jamais mes étagères poussiéreuses aux couvertures colorées.
Mais je suis contente de constater que malgré une difficulté plutôt embêtante à m’identifier avec certains phénomènes modernes, j’ai finalement vaincu mes propres idées reçues. Ça en valait la peine : car aujourd’hui, je lis plus et je lis mieux.