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Femmes peintres : les grandes oubliées des musées

Photo_couverture_Pixabay

L’invisibilisation des femmes peintres se manifeste par la faible présence de leurs œuvres dans les musées. Ce constat perpétue des conceptions sexistes sur l’art et doit mener les institutions à s’adapter aux évolutions paritaires contemporaines.

 

Si l’on mentionne le nom de Berthe Morisot, celui-ci s’attache volontiers à ceux de Manet, son beau-frère, ou de Degas. Malgré cet ancrage masculin, sa réputation en tant que peintre impressionniste ne fait plus l’objet d’étonnement de la part du public. À la différence, les noms d’Elisabeth Vigée-Lebrun et Adélaïde Labille-Guiard, femmes académiciennes, sont, quant à eux, moins évocateurs.

 

Où sont ces femmes ? 

Ces femmes ont ouvert la voie, à la fin du XVIIIème siècle, à une féminisation des beaux-arts, par la reconnaissance sociale de leur statut d’artistes et leur professionnalisation. Bien qu’elles aient joui d’une certaine renommée auprès de leurs contemporains, l’histoire les a oubliées, ainsi qu’en témoigne leur faible représentation au sein des musées français. 

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon une étude du Ministère de la Culture menée en 2021, dans le catalogue collectif des collections des musées de France, les femmes ne représentent seulement 6,6 % des artistes et 4 % des œuvres répertoriées.

Autoportrait avec deux élèves, Adélaïde Labille-Guiard, 1785, via Metropolitan Museum of Arts of New-York
L’art comme le reflet de préjugés

Les acceptant avec parcimonie au XVIIIème, l’Académie royale de peinture et de sculpture se ferma aux femmes au XIXème en se faisant le reflet de préjugés sexistes. Elles furent ainsi exclues des écoles d’art jusqu’en 1897, mais aussi des ateliers masculins et de l’étude des modèles nus pour des motifs d’indécence, ne pouvant ainsi se former qu’à domicile ou dans des ateliers exclusivement féminins.

Par ailleurs, elles furent cantonnées à des genres « mineurs » (portrait, nature morte, etc.) tout en étant mises à l’écart du « grand genre », la peinture d’histoire. Cette assignation reposait sur des considérations idéologiques. Comme le soulignait Linda Nochlin dans un essai intitulé « Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? », la hiérarchisation des genres et des sujets était contaminée par la misogynie. Par conséquent, tout ce qui était considéré comme délicat, intime, lié à la sphère domestique, ou de plus petit format, était jugé « féminin », et donc « mineur ». Par opposition, dans la conception prévalente du génie artistique, celui-ci était nécessairement porté par un homme, blanc et aisé. 

Or, ces genres dévalorisés ont moins été retenus par la postérité et les politiques d’acquisition se sont concentrées sur des œuvres quasi exclusivement masculines. 

The Royal Academy of Arts, Richard Earlom, 1773, via Metropolitan Museum of Arts of New-York
Les deux seules femmes membres de l’Académie, Angelica Kauffmann et Mary Moser, sont absentes de cette scène et représentées sur des peintures à droite de la toile

 

Revaloriser une histoire de l’art au féminin

Les œuvres conservées dans les musées attestent de la postérité d’un artiste. Or, la faible représentation des femmes est le reflet d’une conception partiale de l’histoire de l’art, qui les a occultées après leur mort. Ainsi, fondée par l’historienne de l’art Camille Morineau, l’association Aware vise à rassembler le plus d’informations possibles sur les artistes femmes dans le monde.   

Pour remédier à ce constat, plusieurs expositions temporaires ont vu le jour depuis les années 2010. Néanmoins, malgré ces interventions ponctuelles, les collections permanentes doivent également être enrichies de leurs peintures. En effet, le musée possède une fonction pédagogique essentielle, en contribuant à « l’éducation, au divertissement, à la réflexion et au partage de connaissances au sein de la société », selon la définition de l’ICOM. De ce fait, la prédominance de peintres masculins façonne le regard du public et perpétue ainsi les structures institutionnelles et sociales qui mettent les femmes à l’écart.

Jeune femme tricotant, Berthe Morisot, ca. 1883 via Metropolitan Museum of Arts of New-York

 

C’est pourquoi il est essentiel que les musées contribuent à leur représentation, afin de restituer leur place dans le monde de l’art et de s’adapter ainsi aux évolutions sociétales contemporaines. L’association Musé.e.s a créé un guide pour un musée féministe, avec l’intervention de chercheuses, de doctorantes, d’étudiantes qui ont travaillé sur ces questions et dont le but est d’« acquérir tous ces objets qui n’ont pas forcément été collectés en lien avec l’histoire des femmes et des féminismes », expose Eloïse Jolly, la présidente de l’association, dans une interview sur France Culture.

 

Pour les personnes curieuses, une sélection non-exhaustive d’œuvres : 

  • Artemisia Gentileschi, Judith décapitant Holopherne, 1613
  • Elisabetta Sirani, Allégorie de la peinture (autoportrait), 1658
  • Rachel Ruysch, Nature morte au Bouquet de Fleurs et prunes, 1704 
  • Anne Vallayer-Coster, Les Attributs de la Peinture, de la Sculpture et de l’Architecture, 1769
  • Angelica Kauffmann, Le Chagrin de Télémaque, 1783
  • Élisabeth Vigée-Le Brun, Portrait de Marie-Antoinette à la rose, 1783
  • Julie Duvidal de Montferrier / Hugo, L’Enfant malade ou Clotilde demandant la guérison de son fils, 1819
  • Hortense Haudebourt-Lescot, Le Voyage de noces, dit aussi Scène dans une auberge de campagne italienne, 1821

 

Bibliographie 

 

Sitographie

 

Photo couverture : Pixabay / StockSnap

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