
Nancy Gosselin est la personnification de l’adage qui dit « Quand une porte se ferme, une autre s’ouvre ». Cette artisane a su transformer une mauvaise et triste passe en une opportunité artistique qui est, d’ailleurs, une vraie alliée de l’environnement.
Entrevue
Pour comprendre l’artisane/artiste Nancy Gosselin, je pense qu’il faut aborder la personne, d’abord. Qui êtes-vous ?
Jeune femme de 43 ans avec un conjoint et sans enfant. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de procréer ! D’ailleurs, à la suite de traitements en fertilité, j’ai développé une pseudotumeur cérébri – il s’agit d’une hypertension intracrânienne. Avec la médication, je ne suis présentement plus apte à travailler à temps complet et ce, depuis deux (2) ans. J’étais employée depuis vingt (20) ans pour le centre intégré de santé et de services sociaux (CIUSSS) de ma région. Cependant, à l’atteinte de ma deuxième année de maladie en février dernier, [ils] ont cessé de me faire travailler et donc de me rémunérer. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à créer pour me changer les idées. J’ai perdu du champ visuel à l’œil gauche et je ne distingue presque plus les tons. J’ai donc arrêté la photographie. Depuis maintenant un (1) mois, j’ai démissionné de mon emploi pour devenir travailleuse autonome à temps partiel, dans mes domaines que sont l’administration, les ressources humaines et le marketing. En complément, j’ai mon entreprise de création.
La pseudotumeur cérébri vous a « forcée » la main ; ce qui a engendré la naissance de votre entreprise. Voulez-vous nous en parler un peu plus ?
Lors des traitements de fertilité, je devais prendre des hormones qui ont eu pour effet de me faire gonfler ou, si vous aimez mieux, enfler. Nous avons le liquide céphalorachidien qui circule dans le crâne grâce à un genre de tuyau descendant tout le long du dos. Pour ma part, en ayant enflé, mon tuyau s’est retrouvé compressé quelque part. Par conséquent, le liquide ne pouvant plus s’écouler, il cherche à sortir par tous les moyens et sa seule issue, ce sont les yeux. Pour ce faire, il pousse pour sortir. Mes nerfs optiques ont fini par s’enfler également. J’avais l’impression que l’œil voulait me sortir de la tête. J’ai eu deux (2) blackout total et c’est ainsi qu’on avait trouvé ce que c’était. Puis, il y a trois (3) ans, c’était une récidive. Après un an de médication, le neurologue m’avait dit que je pouvais retourner en fertilité, toutefois, sans hormones. Donc, ils m’ont donné quelque chose qui n’était pas des hormones. Or, cela jouait sur mes hormones. Et, bien évidemment, cela a eu le même effet. Le tout premier neurologue consulté m’a laissé croire pendant toute une année que je n’avais rien jusqu’à ce que je me retrouve aux urgences. Par la suite, j’ai été prise en charge par des spécialistes qui, selon moi, démontraient plus d’expertise. Finalement, comme dit précédemment, j’ai perdu du champ visuel d’un œil et ce même œil ne distingue presque plus les nuances.
Quelle histoire ! Pour revenir à l’entreprise, regrettez-vous, depuis toute cette saga médicale, de ne pas vous être lancée plus tôt ou en parallèle ?
Non, car en parallèle, je n’aurais pas eu l’énergie pour cela. Je crois qu’il n’y arrive rien pour rien dans vie et si cela est arrivé comme ça, c’est que cela devait être comme ça. Je faisais de la photographie à côté de mon travail et j’avais plusieurs idées de développement pour lancer une petite compagnie. Cependant, la maladie en a décidé autrement ! Je vais, certes, vers autre chose, mais dès que possible, je ramène le concept photo dans mes créations. D’ailleurs, lesdites idées foisonnent et cela perpétue la photographie dans mon quotidien. Cette passion pour l’objectif est encore là !
Comment s’est faite cette rencontre avec les objets des ordures ou des ventes de garage?
Je pense que j’ai toujours aimé les vieilles choses pour leur cachet. Petite, je bricolais et me faisais des vêtements pour ma Barbie avec les retailles de tissus de ma mère ou des lits et meubles avec les bouts de bois de mon grand-père. Je suis le genre à dire : « Non, on ne jettera pas tout de suite, d’un coup on pourrait faire de quoi avec ». Mon conjoint en sait quelque chose. Il trouve que je ramasse un peu trop (rires).
Vous évoquez souvent l’amour de soi, le plaisir de la vie et autres beaux mots. Pensez-vous que vos créations ou que vous, vous vous inscrivez plus dans un rôle de storytelling ?
C’est peut-être mon côté photographe qui se transpose de cette façon. Il peut aussi s’agir du constat de la grande facilité à dire des mauvais mots versus de la difficulté à en dire des beaux. Donc, j’essaye de mettre ceux-ci sur des galets, du bois, etc. Plus on en voit, plus cela reste ancré dans la tête. Je fais de la personnalisation et cela rend la tâche d’inscrire n’importe quel mot gentil plus facile encore.
Choisir de créer à partir de la récup’. On imagine bien qu’il y a une conscience environnementale derrière, mais y a-t-il plus que ça ?
La genèse, c’est que je ressentais le besoin de me changer les idées et je n’avais plus aucun revenu. Une chance que ce fût un peu dans mon for intérieur, comme dit précédemment. Pourquoi ? Je ne saurais le dire ! Possiblement dû au fait d’être différente et que cela travaille beaucoup mon imagination en plus d’apporter une grande variété. J’ai déjà fait des colliers mais chassez le naturel et il revient au galop. Je rebrousse toujours chemin pour les mêmes genres. Avec les produits récupérés qui sont tellement variés, il est dur de faire le tour et d’épuiser toutes les idées. En tout cas, j’en ai encore des tonnes dans ma tête !
D’ailleurs, quel regard portez-vous sur l’environnement ?
Je lui accorde une grande importance en essayant de faire attention : j’ai mon bac bleu, mon bac brun et mon bac Nancy ! Je ne suis pas parfaite ; je sais que j’ai des manquements. Toutefois, je fais attention le plus possible.
Où peut-on trouver vos créations ?
Pour le moment, sur ma page Facebook ! J’en ai mis sur Marketplace et je vais en rajouter de temps à autre. Difficile d’être partout en un mois… J’ai fait un marché de Noël et mon objectif est d’ouvrir ma boutique en ligne et de me trouver des lieux où les artisan.e.s sont mis.e.s en avant et vendent leurs créations.
Avez-vous des objets/matières de prédilection ?
J’aime bien les bouts de bois acquis chez une compagnie qui vendait à prix de débarras le stock inutile. Il est possible de les colorer, d’écrire et de dessiner dessus, de faire plein de choses avec. Et comme j’en ai plusieurs, ça me permet de faire des commandes personnalisées. Insuffler une nouvelle vie à chaque item est, pour moi, une victoire.
Quel est la place d’un.e artiste ou d’un.e artisan.e dans ce monde et quel serait son rôle et son utilité selon vous ?
Se tailler une place n’est pas chose aisée. Je trouve que beaucoup d’artisan.e.s n’ont pas la place méritée. La majorité des gens ont beaucoup trop tendance à vouloir les comparer avec les grandes chaînes. Lorsque le produit artisanal est dans la fourchette des 2-4 dollars, la cherté est souvent évoquée. Une certaine enseigne au Canada avec un logo vert et jaune pour ne pas citer Dollarama (ndlr) le cède pour 1 dollar. Oui, mais cette enseigne n’offre pas l’exclusivité. Bien au contraire, tout le monde aura le même produit. Alors que celui fait par un artisan avec tout son cœur inclut l’unicité. Il y a tellement de bons artisans qui offrent des produits uniques et de bien meilleure qualité que ces grandes chaines. Sans oublier que c’est une belle façon d’encourager le local.
Si vous vouliez donner un titre à cet interview …
Grosse question ! Le Bazar… bazar dans ma vie, dans mon atelier, etc.
Un dernier mot ?
Merci et je vais continuer avec plaisir de donner une deuxième vie dans mon petit Bazar !