Entrevue au parc Lafontaine avec Franck Sylvestre. Nous étions faces au monument de Félix Leclerc au regard fier. Que serait la fierté nationaliste sans une prise de connaissance de nos couleurs diverses et multiculturelles ?
Durant les airs de vacances précédant la fête nationale du Québec, j’ai eu la chance de rencontrer Franck Sylvestre, au parc Lafontaine. C’est face à la statue de Félix Leclerc que nous avons discuté d’indépendance québécoise et de culture africaine. Conteur et personnage enthousiaste face aux Arts, il est de ces artistes qui façonnent les contrastes de la culture québécoise. Né à Paris de parents martiniquais, il s’installe à Montréal vers la fin des années 90 et y développe sa carrière en tant qu’acteur. Il aura un rôle dans un film de Pierre Falardeau où il caricaturera une part de la dimension sociale existante à l’intérieur de notre société multiculturelle et québécoise. Monsieur Sylvestre accepta notre rencontre et voici le résultat de cette charmante discussion :
Vous exercez avec beaucoup de cœur les facettes diverses de l’Art avec un grand A (musique, danse, théâtre, slam). D’où provient cette flamme ?
Ah, la flamme ! Eh bien ça doit provenir d’un feu [rire]. Je pense que c’est un trait de caractère. J’ai toujours été comme ça ; envie d’y aller avec l’émotion, envie de donner mon maximum. J’ai été influencé par les chanteurs français comme Jacques Brel, ceux qui m’ont donné l’envie de rentrer sur scène et d’être fatigué à la fin du show.
Selon le site Planète Rebelle, vous êtes arrivé à devenir conteur en tombant sur un conte africain. Quel est ce conte et quelle morale avez-vous tiré de cette histoire ?
C’est un conte du Mozambique. Je suis tombé là-dessus par hasard. Une histoire parfaite qui caractérise ce que j’ai envie de présenter sur scène, telle que la prise de décisions importantes. On y présente des valeurs fondamentales sous un format scolaire.
Quels sont les sujets qui vous inspirent le plus pour l’écriture de vos contes ?
De mon envie de dire. Des relations amoureuses, des relations à distance avec une fin historique. Un moment précis dans un bar. C’est comme une pile. Je vis ma vie, je me recharge et tout ce qui est là je termine par en ressortir l’essentiel.
Vous écrivez des contes pour les adultes et aussi pour les enfants ; vous ne faites pas que les écrire, vous les animez aussi. Quelle est, selon vous, la clé pour avoir accès à l’univers des enfants / adultes ?
C’est d’être un enfant. Il y a Jacques Brel qui disait dans une de ses chansons adressées à une femme qu’il nous fallait bien du talent pour être vieux sans être un adulte. D’autre part, il dit aussi que l’on ne quitte jamais le monde de l’enfance. C’est donc toujours le seul monde qui existe après qu’on décide de le voir ou de ne pas le voir.
Vous avez lancé en ligne un court-métrage pour la fête nationale du Québec, intitulé Je me souviens. Pensez-vous qu’en tant que nation, il y a des passages de notre histoire que l’on a voulu oublier. Si oui, pourquoi ?
Oui et je crois que c’est propre à toutes les nations qui ont eu à écrire une histoire et ce, en fonction de leurs intérêts.
Êtes-vous d’avis que l’on a manqué le train pour l’indépendance du Québec ?
L’histoire de l’indépendance au Québec, c’est tortueux parce que c’est difficile ce saut dans le vide. Je veux aussi souligner le fait que l’on n’a pas pris le dernier train lors du référendum qui a été perdu à peu de voix. Il y avait une volonté, oui. Mon réflexe, quand je suis arrivé au Québec dans les années 90, était de ne pas me mêler de cette guerre qui ne m’appartenait pas.
Vous avez joué le rôle de Mathieu Léveillé pour la pièce Les mains noires, basées sur un fait vécu à l’époque du 18e siècle, au Canada, en colonie française. Quelle était votre démarche artistique afin de jouer ce rôle important qui prouve fondamentalement que le racisme systémique existe depuis des lustres et ce, même au Québec ?
Ma démarche était humaine, simplement. C’est une tragédie humaine. Comme acteur, on essaie alors de recevoir l’information qui sonne comme un choc dans sa tête puis de se mettre dans la peau du personnage. C’est l’histoire d’un homme africain qui avait été capturé et qui s’est retrouvé d’abord en Martinique. On ne sait pas trop ce qu’il avait fait, mais on sait qu’il a été condamné à mort. Principalement, sur les plantations, quand on condamnait un esclave à la mort, il fallait qu’il ait fait couler du sang ou bien qu’il se soit évadé trois fois d’une plantation. L’intendant du roi était à la recherche d’un bourreau pour la Nouvelle-France, il tomba sur Mathieu Léveillé qui allait se faire exécuter et lui proposa donc d’échapper à la mort en devenant bourreau pour la Nouvelle-France.
Avez-vous des projets en cours ?
J’en ai plusieurs, je vais écrire un nouveau conte pour enfants. Du côté des adultes, je crois continuer à écrire d’autres pièces musicales et faire du slam. Je travaille avec un compositeur, Guillaume Soucy ; alors, nous travaillons là-dessus ensemble.
Afin d’avoir plus de détails sur Franck Sylvestre, visitez son site web.
Et pour découvrir son slam Je me souviens :