Don’t Look Up : un film qui rend heureux

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Dans son article 𝘋𝘰𝘯’𝘵 𝘓𝘰𝘰𝘬 𝘜𝘱 : 𝘶𝘯 𝘧𝘪𝘭𝘮 𝘲𝘶𝘪 𝘳𝘦𝘯𝘥 𝘩𝘦𝘶𝘳𝘦𝘶𝘹, Baptiste nous propose une petite réflexion sur le récent film Don’t Look Up d’Adam McKay, entre critique cinéma et approche psychologique. Bonne lecture !

 

Dans son dernier film Don’t Look Up (Don’t Look Up : Déni cosmique dans sa version française), le réalisateur, scénariste et producteur américain Adam McKay confronte l’Homme à la fin du monde, avec un réalisme tragi-comique qui fragilise peut-être le potentiel moral ou motivationnel du projet.

…Heureux de nous dire qu’il ne serait peut-être pas si inesthétique de voir l’humanité vaquer à sa fin méritée ? Considération bien fantasque, mais recul nécessaire, alors qu’au jour le jour dans le monde réel, la masse globale humaine impose sa maladresse aux histoires particulaires de 7,7 milliards individus communiant sans vœux expressément destructeurs.

Oui, le monde meurt. Les premiers toussotements ont passé, voilà que la planète crache ses métastases.

Le diagnostic de Don’t Look Up est suant, lourd et ciselé. Celui d’un monde américano-centré qui a perdu ses repères. Ou plutôt, le diagnostic d’une civilisation occidentale entrée dans la routine de diriger pour gouverner, d’être forte pour être puissante, d’être riche pour être cool. À ce stade, ce n’est plus le serpent qui se mord la queue, c’est la névrose qui se ronge la conscience.

Entre montages parallèles habiles et mises en abîme efficaces se faufilent médias pulpeux, administration démesurée, et tech qui se croit capable de tout (excepté de rien). Ces ingrédients scénaristiques, ces thématiques contemporaines, dénoncent nos territoires peuplés d’humanoïdes sensibles. Elles exaltent finalement la mue progressive de nos sociétés en ce parc d’attraction incapable de s’observer objectivement, au-delà de la folie de ses vertiges, de l’ivresse de ses jeux, de l’aveuglement de ses excès.

Et alors qu’on entre dans le film d’Adam McKay au rythme de ses protagonistes, comme sur eux, les pièges se referment sur nous. Certains louables et maladroits – avis aux « sains-fous » tentés de crier leur vérité vraie sur un plateau de télé ; d’autres risibles mais tellement irrésistibles – avis aux mêmes sains-fous (avant qu’ils ne soient tentés de crier leur vérité vraie sur un plateau de télé) : vous profiterez bien d’un verre avec la présentatrice, et plus si affinité ? Et pourquoi pas d’un quart d’heure de célébrité ? Vous avez le temps !

Au cas où vous vous posiez déjà la question : oui, nous – spectateurs, protagonistes, à peu près tous les terriens – faisons face à un sérieux problème. Mais alors, comment se sortir de ce problème ? Et se sortir de quoi exactement ? Quel est le problème ? Ah ! Faudrait-il déjà se mettre d’accord sur cela… non ? Attendez, quelqu’un parle, là-bas : « Qu’est-ce qui me prouve qu’un gros problème qui est loin… est vraiment gros ? » Un acte suffira.

Cet aspect considéré et emballé, accueillons la suite des hostilités en observant l’efficacité des médias que nos sociétés occidentales ont conçus. Évitez alors de vous sustenter – vos tripes seront déjà occupées à digérer l’imbroglio de nos systèmes d’élite(s).

Enfin, au bout d’un peu plus de deux heures, le temps viendra de goûter ce sentiment qui n’a probablement pas été de tous les siècles : celui de comprendre que, oui, nous sommes probablement foutus. Cette nouvelle conscience d’une fatalité qui nous arrache le rire en scrutant le spectacle du monde, et nous arrache le cœur en regardant nos enfants. Tout cela version blockbuster pour mieux passer ?

Car le film confirme sa critique : il faut bien une dizaine de stars du cinéma et de la musique à son générique pour attirer l’attention des masses, aborder le sujet de la fin du monde, et par là, saisir l’ironie du danger réel qui nous guette. Dans l’absolu, les principes et faits qui décrivent les catastrophes dont nous semblons attendre l’irréversibilité (déjà acquise) fatale (qu’il est encore temps d’éviter), se suffisent intellectuellement à eux-mêmes. Malheureusement, ces données n’ont pas le pouvoir incitatif d’ouvrir notre esprit à une dynamique d’urgence, indispensable pour agir concrètement face aux enjeux que le climat changeant nous prépare.

Malgré ce constat, dans son effet, Don’t Look Up ne nous fait pas nous lever vers l’action, mais plutôt nous accroupir en contemplation. C’est là le danger du film : de nous séduire suffisamment dans la tentation exclusive de profiter de ceux qu’on ne pourrait sauver, plutôt que de vouloir sauver ce dont on ne pourrait plus profiter.

Ainsi, à défaut de nous endormir avec la certitude qu’un monde qui respirera sans brûler de toutes parts pourra continuer à être conté, partagé, récité, construit, embrassé de toutes nos forces dans 1 000 ans, la chaleur d’un « au revoir » difficile certes, mais dont on peut au moins sentir la paume ou l’épaule auprès de nos proches, paraît-il un salut que les philosophies pratiques de ce siècle auront à reconnaître sans explicitement prioriser …

Et…  Action ?

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