![Don_t_Look_Up._Un_film_qui_rend_heureux](https://www.r-magazine.ca/wp-content/uploads/2022/01/Don_t_Look_Up._Un_film_qui_rend_heureux.jpg)
Dans son article đđ°đŻ’đ” đđ°đ°đŹ đđ± : đ¶đŻ đ§đȘđđź đČđ¶đȘ đłđŠđŻđ„ đ©đŠđ¶đłđŠđ¶đč, Baptiste nous propose une petite rĂ©flexion sur le rĂ©cent film Don’t Look Up d’Adam McKay, entre critique cinĂ©ma et approche psychologique. Bonne lecture !
Dans son dernier film Donât Look Up (Donât Look Up : DĂ©ni cosmique dans sa version française), le rĂ©alisateur, scĂ©nariste et producteur amĂ©ricain Adam McKay confronte lâHomme Ă la fin du monde, avec un rĂ©alisme tragi-comique qui fragilise peut-ĂȘtre le potentiel moral ou motivationnel du projet.
âŠHeureux de nous dire quâil ne serait peut-ĂȘtre pas si inesthĂ©tique de voir lâhumanitĂ© vaquer Ă sa fin mĂ©ritĂ©e ? ConsidĂ©ration bien fantasque, mais recul nĂ©cessaire, alors quâau jour le jour dans le monde rĂ©el, la masse globale humaine impose sa maladresse aux histoires particulaires de 7,7 milliards individus communiant sans vĆux expressĂ©ment destructeurs.
Oui, le monde meurt. Les premiers toussotements ont passé, voilà que la planÚte crache ses métastases.
Le diagnostic de Donât Look Up est suant, lourd et ciselĂ©. Celui dâun monde amĂ©ricano-centrĂ© qui a perdu ses repĂšres. Ou plutĂŽt, le diagnostic dâune civilisation occidentale entrĂ©e dans la routine de diriger pour gouverner, dâĂȘtre forte pour ĂȘtre puissante, dâĂȘtre riche pour ĂȘtre cool. Ă ce stade, ce nâest plus le serpent qui se mord la queue, câest la nĂ©vrose qui se ronge la conscience.
Entre montages parallĂšles habiles et mises en abĂźme efficaces se faufilent mĂ©dias pulpeux, administration dĂ©mesurĂ©e, et tech qui se croit capable de tout (exceptĂ© de rien). Ces ingrĂ©dients scĂ©naristiques, ces thĂ©matiques contemporaines, dĂ©noncent nos territoires peuplĂ©s dâhumanoĂŻdes sensibles. Elles exaltent finalement la mue progressive de nos sociĂ©tĂ©s en ce parc dâattraction incapable de sâobserver objectivement, au-delĂ de la folie de ses vertiges, de lâivresse de ses jeux, de lâaveuglement de ses excĂšs.
Et alors quâon entre dans le film dâAdam McKay au rythme de ses protagonistes, comme sur eux, les piĂšges se referment sur nous. Certains louables et maladroits â avis aux « sains-fous » tentĂ©s de crier leur vĂ©ritĂ© vraie sur un plateau de tĂ©lĂ©Â ; dâautres risibles mais tellement irrĂ©sistibles â avis aux mĂȘmes sains-fous (avant quâils ne soient tentĂ©s de crier leur vĂ©ritĂ© vraie sur un plateau de tĂ©lĂ©) : vous profiterez bien dâun verre avec la prĂ©sentatrice, et plus si affinitĂ©Â ? Et pourquoi pas dâun quart dâheure de cĂ©lĂ©britĂ©Â ? Vous avez le temps !
Au cas oĂč vous vous posiez dĂ©jĂ la question : oui, nous â spectateurs, protagonistes, Ă peu prĂšs tous les terriens â faisons face Ă un sĂ©rieux problĂšme. Mais alors, comment se sortir de ce problĂšme ? Et se sortir de quoi exactement ? Quel est le problĂšme ? Ah ! Faudrait-il dĂ©jĂ se mettre dâaccord sur cela… non ? Attendez, quelquâun parle, lĂ -bas : « Quâest-ce qui me prouve quâun gros problĂšme qui est loin⊠est vraiment gros ? » Un acte suffira.
Cet aspect considĂ©rĂ© et emballĂ©, accueillons la suite des hostilitĂ©s en observant lâefficacitĂ© des mĂ©dias que nos sociĂ©tĂ©s occidentales ont conçus. Ăvitez alors de vous sustenter â vos tripes seront dĂ©jĂ occupĂ©es Ă digĂ©rer lâimbroglio de nos systĂšmes dâĂ©lite(s).
Enfin, au bout dâun peu plus de deux heures, le temps viendra de goĂ»ter ce sentiment qui nâa probablement pas Ă©tĂ© de tous les siĂšcles : celui de comprendre que, oui, nous sommes probablement foutus. Cette nouvelle conscience dâune fatalitĂ© qui nous arrache le rire en scrutant le spectacle du monde, et nous arrache le cĆur en regardant nos enfants. Tout cela version blockbuster pour mieux passer ?
Car le film confirme sa critique : il faut bien une dizaine de stars du cinĂ©ma et de la musique Ă son gĂ©nĂ©rique pour attirer lâattention des masses, aborder le sujet de la fin du monde, et par lĂ , saisir lâironie du danger rĂ©el qui nous guette. Dans lâabsolu, les principes et faits qui dĂ©crivent les catastrophes dont nous semblons attendre lâirrĂ©versibilitĂ© (dĂ©jĂ acquise) fatale (quâil est encore temps dâĂ©viter), se suffisent intellectuellement Ă eux-mĂȘmes. Malheureusement, ces donnĂ©es nâont pas le pouvoir incitatif dâouvrir notre esprit Ă une dynamique dâurgence, indispensable pour agir concrĂštement face aux enjeux que le climat changeant nous prĂ©pare.
MalgrĂ© ce constat, dans son effet, Donât Look Up ne nous fait pas nous lever vers lâaction, mais plutĂŽt nous accroupir en contemplation. Câest lĂ le danger du film : de nous sĂ©duire suffisamment dans la tentation exclusive de profiter de ceux quâon ne pourrait sauver, plutĂŽt que de vouloir sauver ce dont on ne pourrait plus profiter.
Ainsi, Ă dĂ©faut de nous endormir avec la certitude quâun monde qui respirera sans brĂ»ler de toutes parts pourra continuer Ă ĂȘtre contĂ©, partagĂ©, rĂ©citĂ©, construit, embrassĂ© de toutes nos forces dans 1 000 ans, la chaleur dâun « au revoir » difficile certes, mais dont on peut au moins sentir la paume ou lâĂ©paule auprĂšs de nos proches, paraĂźt-il un salut que les philosophies pratiques de ce siĂšcle auront Ă reconnaĂźtre sans explicitement prioriser …
EtâŠÂ Action ?