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Arnaud Lilian : Accoucher d’un album

Photo par Natacha Lafrenière Photo

Si l’investissement personnel que la conception de cet EP a nécessité permet à Arnaud Lilian d’en revendiquer l’entière paternité, il convient également d’affirmer qu’il s’agit d’un autel à la mémoire de son enfance et des lieux qu’elle a habités.

 

« La rue de Verdun, c’est le point central de cet album. C’est d’ici que tout part, que tout arrive. C’est aussi ici que tout s’est brusquement arrêté. La rue de Verdun abritait, au numéro 8, ma maison d’enfance. C’est dans cette maison que j’ai vu mon père pour la dernière fois. Rue de Verdun est pour lui, dans le but de matérialiser certains de mes souvenirs en chanson »”, écrit Arnaud Lilian, musicien français, installé à Montréal depuis 2013. L’artiste, dont Pearl Jam et Nirvana ont fait l’éducation musicale, propose un projet qu’il considère comme un « album zéro », une sorte de brouillon avant de dévoiler Rue de Verdun en juin 2021. Cet EP de six titres constitue un recueil d’images issues de sa pellicule personnelle, traduites en musique par une écriture intime et des guitares nostalgiques.

Les cartons d’emballage entassés sur le sol, le portail blanc qui claque, le plancher qui craque, sont autant de fragments de l’image d’un père disparu, dont l’ombre plane tout au long de l’écoute.

Ainsi, l’artiste soulage sa mémoire de souvenirs doux-amers, un processus semblable à un véritable accouchement.

 

Un EP autoproduit

En effet, la conception de l’EP s’est avérée être un chemin qu’Arnaud Lilian décrit volontiers comme semé de « pas mal d’embûches. Je ne savais pas comment l’album allait s’appeler », admet-il lors de notre entretien téléphonique. « Mes finances ne me permettaient pas forcément de faire une dizaine de chansons, alors j’ai fait un EP. J’avais des chansons déjà faites et j’ai sélectionné les meilleures. Il y en a de très anciennes, qui datent d’il y a vingt ans et d’autres que j’ai écrites lorsque j’ai commencé à faire de la scène ».

Soutenu par Indiegogo, une plateforme de crowdfunding, l’artiste s’offre les quelques séances d’enregistrement nécessaires à la finalisation du disque. Il prend part à chaque étape du processus, des arrangements musicaux au design de la pochette (dont il s’occupe seul), faisant du manque de moyens, un véritable moteur créatif.

Interrogé à propos des moments qui lui ont été les plus difficiles, Arnaud Lilian évoque, sans la moindre hésitation, le choix des chansons. Son écriture étant toujours très introspective, le musicien vit comme une épreuve le fait d’avoir à sélectionner des fragments de vécus, des morceaux de lui-même et à se séparer d’autres.

 

La figure du père, omniprésente

Si l’investissement personnel que la conception de cet EP a nécessité permet à Arnaud Lilian d’en revendiquer l’entière paternité, il convient également d’affirmer qu’il s’agit d’un autel à la mémoire de son enfance et des lieux qu’elle a habités.

L’album s’ouvre sur 185 Kilomètres, distance séparant le domicile d’Arnaud Lilian de celui de ses grands-parents. Rue de Verdun donne son titre à l’album et évoque la maison où le musicien a grandi, mais également la dernière fois qu’il a vu son père, avant que ce dernier ne décède.

La chanson suivante, Que Je Respire, où l’on perçoit une profonde mélancolie, une impuissance face au temps qui passe et aux drames de la vie, lui est dédiée. Arnaud Lilian révèle même avoir glissé une photo de son père et lui dans la pochette de la version physique du disque.

 

Devenir père à son tour

Alors que l’entretien touchait à sa fin, je me suis demandé s’il n’était pas difficile de couper le cordon. De se défaire d’instants très intimes, de confier leur sort aux oreilles du public et à son interprétation. La finalisation et la sortie de Rue de Verdun se sont, en réalité, révélées être un exorcisme, une expérience cathartique pour Arnaud Lilian afin de se détacher de thèmes hantant sa plume : « J’ai pour projet de faire un autre album dans les années à venir, les thèmes seront très différents, confie-t-il. Je suis moi-même devenu père récemment, alors j’ai écrit sur le fait d’attendre un enfant, sur l’amour qui nous envahit et que l’on ressent pour un petit être, pour une partie de nous. J’ai beaucoup écrit sur mon père, j’ai épuisé ce thème et il ne faudrait pas en faire une overdose. Aujourd’hui, la plaie se referme et j’arrive à écrire sur autre chose ».

Après avoir consacré son premier EP à la mémoire de son père, un nouveau projet d’Arnaud Lilian s’attachant à raconter sa propre paternité créerait une forme de continuité, convoquant des instants qu’il ne lui reste plus qu’à vivre.

 

Rue de Verdun est disponible sur toutes les plateformes de streaming.

 

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